Travailler dans un service de soins palliatifs : motivations et impacts sur la carrière
Dans certains établissements hospitaliers, les postes en soins palliatifs restent vacants plus longtemps que dans d’autres spécialités, malgré une hausse continue des besoins. La mobilité professionnelle y est pourtant plus fréquente, avec des passages accélérés vers des fonctions de coordination ou d’encadrement.
Des dispositifs spécifiques d’accompagnement psychologique sont imposés aux équipes depuis 2019, une obligation qui ne s’applique pas dans tous les secteurs médicaux. Les trajectoires atypiques et les motivations singulières y dessinent un paysage professionnel à part, marqué par des choix souvent jugés incompris par les pairs.
Plan de l'article
Les réalités du travail en soins palliatifs : entre engagement et défis quotidiens
Le secteur des soins palliatifs occupe une place à part à l’hôpital. Ici, la prise en charge ne se résume jamais à la technique : elle exige une vision globale, où chaque professionnel, infirmier, aide-soignant, médecin, psychologue, assistante sociale, socio-esthéticienne ou bénévole, joue un rôle décisif. L’objectif ? Apaiser la douleur, préserver la dignité et entourer la famille au fil des derniers instants.
Le quotidien en unité de soins palliatifs (USP) ou en équipe mobile de soins palliatifs (EMSP) confronte à des situations où la technique s’efface parfois devant la relation humaine. L’accompagnement d’un patient implique d’écouter, de soutenir la parole, d’anticiper l’angoisse ou la détresse. L’aide-soignant(e) devient, pour certains patients, un visage familier, un point d’ancrage. L’infirmier ajuste la sédation, surveille la douleur, adapte les soins, tout en maintenant le dialogue avec la famille et l’équipe.
Face à la pénurie de professionnels formés et au manque de structures adaptées, la charge émotionnelle s’alourdit. Seul l’esprit d’équipe permet de tenir. La concertation, les échanges réguliers et le soutien psychologique ne sont pas accessoires : ils structurent le quotidien et protègent du découragement. Les soignants évoquent souvent l’importance de la pluridisciplinarité, de l’écoute, de l’attention portée à chacun. Ici, le sens du travail ne se mesure pas à l’aune du geste technique, mais à la capacité de répondre à l’humain.
Du point de vue matériel, les conditions restent difficiles : le salaire médian atteint à peine 24 888 euros par an pour une infirmière et la reconnaissance institutionnelle demeure limitée. Pourtant, beaucoup tiennent grâce à la richesse des rencontres, à la conviction d’apporter un réel soutien à des personnes vulnérables, à l’impression d’accomplir une mission qui compte.
Quelles motivations poussent les professionnels à choisir ce secteur ?
Les raisons qui mènent vers les soins palliatifs ne relèvent pas du hasard. Pour nombre de soignants, il s’agit d’une vocation : le choix de se consacrer à la fin de vie, d’accompagner autrement, loin de la seule technicité. Ce qui compte ici, c’est l’humain, la relation, la capacité à écouter et à soutenir avec empathie. Infirmiers, aides-soignants ou bénévoles privilégient ce secteur parce qu’il place la parole, le temps et l’attention au cœur du soin.
Certains citent les figures fondatrices du domaine : le Dr Cicely Saunders, à l’origine du Saint Christopher’s Hospice à Londres, ou Elizabeth Kübler-Ross, qui ont bouleversé la prise en charge de la fin de vie. Ces pionniers ont inspiré toute une génération, en prônant une vision globale axée sur la dignité et la qualité de vie jusqu’au bout. Plusieurs professionnels racontent comment une rencontre, une lecture ou un stage a définitivement orienté leur trajectoire.
Les témoignages abondent, comme celui de L’homme étoilé (Xavier), qui porte haut la dimension humaine de ce métier. Les soignants cherchent un sens palpable, un impact concret auprès de personnes et de familles souvent en grande vulnérabilité. L’appartenance à une équipe pluridisciplinaire, médecins, psychologues, assistantes sociales, renforce ce sentiment d’utilité collective, d’action solidaire.
Ce secteur attire aussi par sa dynamique de formation, la possibilité d’acquérir de nouvelles compétences, et l’opportunité d’agir en cohérence avec ses propres valeurs. Pour beaucoup, l’engagement se construit au fil de l’expérience, porté par la volonté de donner du sens à sa pratique et de rester fidèle à ses convictions.
Impacts sur la trajectoire professionnelle : compétences, évolution et reconnaissance
Opter pour les soins palliatifs engage dans un parcours professionnel particulier, où la formation continue devient vite une nécessité. Les soignants suivent des diplômes universitaires (DU), des diplômes inter-universitaires (DIU), participent à des stages spécifiques. Ils acquièrent ainsi la maîtrise des dispositifs législatifs, de la loi Léonetti à la loi de 2016 sur la sédation profonde, sans oublier les directives anticipées. La SFAP (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs) s’occupe de structurer ces savoirs et de relier les différents acteurs du secteur.
Cette expérience, acquise en unité de soins palliatifs ou en équipe mobile, valorise le professionnel sur le marché du travail, qu’il s’agisse du secteur public ou privé. Les compétences développées dépassent largement la technique : gestion de la douleur, accompagnement des familles, travail en interdisciplinarité. Collaborer chaque jour avec médecins, psychologues, assistants sociaux ou bénévoles affine la capacité à s’adapter, à prendre du recul, à anticiper.
La progression professionnelle s’appuie aussi sur l’implication dans les projets institutionnels ou la gestion de situations complexes. Certains établissements, à l’image de la Maison Médicale Jeanne Garnier à Paris, mettent en avant ce savoir-faire. Les politiques publiques, à travers le plan national soins palliatifs, les mesures du Ségur de la santé ou le financement du PNRR, tentent d’améliorer la visibilité et la reconnaissance du secteur, même si le manque de professionnels et de structures demeure une réalité.
La reconnaissance se traduit notamment par l’intégration dans des groupes d’expertise, la participation à la formation initiale et continue, ou l’accès à des postes de coordination. Malgré cela, la rémunération reste modeste, 24 888 euros par an pour une infirmière, ce qui continue de freiner la valorisation du métier. Pourtant, pour bon nombre de professionnels, l’essentiel est ailleurs : dans chaque main tenue, chaque parole entendue, chaque famille accompagnée au bout du chemin.